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ces dernières années, Edmond de Goncourt fut fort attaqué, à cause de son Journal, même de quelques-uns de ses familiers qui l’avaient toujours admiré jusque-là. Je ne rééditerai pas les objections qui lui furent adressées à ce propos. Il semble qu’il y en eut quelques-unes de justes — je ne parle pas naturellement des invectives — lesquelles ne manquèrent point non plus, et grâce à quoi on espérait ternir et rabaisser une réputation qu’il n’est au pouvoir de personnes de ternir ou rabaisser. Certes, tous nous eussions aimé que le grand écrivain arrêtât sa publication, voilà déjà quelques années. Mais puisqu’il en décida autrement, nous devons bien accepter ce Journal, dans son œuvre. Et pour ma part, je l’accepte sans scrupule, et je me suis fait à cette idée qu’il en est le complément nécessaire et émouvant. Victor Hugo disait qu’il fallait tout accepter de Shakespeare, comme une brute. Moi, j’admire tout de Goncourt comme une brute.

Et après tout, ce Journal des Goncourt, n’est-il pas un livre curieux, toujours, — souvent poignant, comme la confession d’un ami, désenchantant aussi comme un voile qui se déchire sur des intimités imprévues — trop tôt révélées peut-être — enfin, tel quel, en, son décousu, en son déshabillé irrévérencieux de vie mêlée à la fable, un livre impressionnant où l’on sent vibrer à chaque ligne l’âme du noble et grand