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dans cette vie supérieure où il nous est davantage présent et chéri plus encore. Si son image mortelle s’abolit au mystère de l’invisible, nous voyons l’image agrandie de son esprit rayonner plus lumineusement sur notre mémoire, s’y faire désormais impérissable et glorieuse. Tout ce qu’elle offre de beautés uniques, de nobles exemples s’y grave en traits profonds qui ne s’effaceront plus. La postérité commence pour lui. Elle vient, calme et certaine, sans tout le cortège des camaraderies aveugles et des intérêts complaisants, déposer sur son cercueil la palme d’or de l’éternelle vie et confondre, à nouveau, dans notre pitié douloureuse, les âmes des deux frères un instant séparées, et maintenant réunies à jamais dans la durable survie de la mort.

Edmond de Goncourt eut une passion exclusive, héroïque et violente : la littérature. Il y sacrifia tout, comme un prêtre à sa foi. Il redouta la femme pour ce qu’elle peut apporter avec elle d’entraves à l’indépendance d’un écrivain, aux libres expansions spirituelles d’un artiste. S’il a fait son foyer désert et vide de cette grâce et de cette consolation, c’est pour faire son œuvre plus sincère, pour la préserver des petites concessions auxquelles, presque toujours, vous assujettit l’influence de l’épouse ou le caprice de l’amie. Il préféra sciemment la solitude certaine et ce qu’elle comporte, surtout dans la vieillesse, de tristesses desséchantes, à