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EDMOND DE GONCOURT


La mort d’Edmond de Goncourt a été si soudaine, j’éprouve de cette mort un si grand bouleversement, et une affliction si profonde que je ne saurais, en vérité, me mettre dans la calme disposition d’esprit qu’il faut pour juger une existence considérable, comme fut la sienne, et pour parler, comme il convient, de son œuvre illustre et vénérée. J’aurais beau vouloir rassembler des idées, des dates, des traits caractéristiques, relire des pages de ses livres, compulser des paquets de ses lettres, je ne pourrais ; et je serais vite ramené, par la douleur, d’un effort que je sens, aujourd’hui, au-dessus de mes nerfs, à cette constatation hébétée et déprimante : « Est-ce possible qu’il soit mort ? ».

Lorsque, jeudi matin, je reçus de M. Alphonse Daudet la dépêche fatale, je ne voulais pas y