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Aujourd’hui, il est payé !… Pouvez-vous dire qu’il ait volé une réputation acquise au prix de tant de peines, de tant de luttes quotidiennes et épuisantes ?… Son mérite me paraît, à moi, d’autant plus grand, sa récompense d’autant plus juste qu’il avait à imposer à l’attention universelle une œuvre d’une médiocrité reconnue et d’une rare imbécillité.

M. René Barjean planta le petit gendelettre de plomb, debout, sur un poing rouge qui, dans l’épure, figurait une sorte de pylône apothéotique et fulgurant. Puis, doctoral et bonhomme à la fois, il poursuivit :

— Il ne s’agit plus de créer une belle œuvre, il faut savoir s’organiser une belle réclame. Et cette réclame, savante, raffinée, ne portera pas directement sur les livres, ce qui serait grossier et ne contenterait personne ; elle englobera les choses étrangères au travail littéraire et se diffusera, de préférence, sur les sports à la mode, et qu’un homme bien né est susceptible de pratiquer. Les uns sont devenus célèbres, parce qu’ils se targuèrent de leurs belles relations et ne cessèrent d’énumérer leurs succès dans des salons recherchés, où, d’ailleurs, ils n’étaient pas reçus. Les autres tirèrent leur gloire, en faisant étalage de leur insociabilité… D’ailleurs, il n’y a pas de règle absolue… Tous les moyens sont bons, à condition qu’ils soient extra-littéraires et qu’on y mette de la persistance et de la passion. La bicyclette, le cheval, la peinture,