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trop comique ! Si telle avait été mon intention, il n’est point de quolibets que je ne méritasse !… Des idées !… D’abord, ce n’est point chez les gendelettres, croyez-le bien, que j’eusse été chercher ce produit… Ensuite, il va de soi qu’on n’expose pas des idées, comme des haricots de semence, dans un sac, ou des échantillons d’anthracite, sur une coupe de verre. Non, ce que j’ai voulu — car je me flatte d’être un esprit essentiellement pratique et moderne — ce que j’ai voulu, c’est bâtir une sorte de temple de la gloire des lettres !… Mais pardon !… Je vois à votre physionomie que vous ne vous rendez pas un compte exact de ce que doit être, de nos jours, un véritable écrivain !… Vous n’êtes pas dans le mouvement contemporain, voilà !… Pour vous, un véritable écrivain doit écrire… il doit n’attendre satisfaction et succès que de ses œuvres, n’avoir d’autres préoccupations que de « se plaire », ainsi que le recommandait, préhistoriquement, ce préhistorique d’Aurévilly… Grave erreur, monsieur ! Opinion ridicule et qui retarde par trop d’anachronique candeur, sur le siècle !… Nous avons marché, que diable !… La littérature, autrefois spécialisée, est devenue aujourd’hui un omni-métier, si j’ose dire, un métier très complexe, très en dehors, où la force du talent et la qualité de la production ne sont rien, rien, rien ; où la mise en scène, polymorphique et continue de la vie de l’auteur, est tout, tout, tout !… Tenez !…