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la mort, si, à bout de force, à bout de courage, ils s’arrêtent un instant de tourner, m’obsède comme un affreux cauchemar. Et rien n’y manque, pas même la face louche et rasée du clergyman, remplaçant ici le moine à cagoule, et qui vient chaque jour, parler à ces êtres douloureux de la justice des hommes et de la bonté de Dieu. Oh ! ce clergyman ! On le retrouve partout où il y a du sang et des larmes. C’est le même qui, dans les colonies, préside aux massacres, la Bible en main, sanctifie les supplices, légalise les dépravations, couvre de sa crapuleuse redingote de cuistre, l’œuvre de destruction farouche et de conquête abominable, qui sera, plus tard, la honte de ces temps. Les moines de Cortès et de Pizarre ne sont point changés. Seulement, ils ont troqué leurs robes de bure contre des redingotes luisantes de cordonniers.

Comment cela est-il possible que des supplices physiques comme ceux dévolus à Oscar Wilde, soient encore tolérés dans les mœurs judiciaires d’aujourd’hui ? Lorsqu’on réfléchit un peu, on est épouvanté que, dans le coin sombre de la vie sociale, rien n’ait pénétré encore de ce progrès qui a transformé tant de choses moins nécessaires à l’affranchissement humain. En Angleterre surtout, cela étonne plus qu’en aucun autre pays. Si vous vous promenez dans Londres, par exemple, vous êtes, plus qu’ailleurs, frappé de l’existence réelle du progrès. C’est là que le sens de l’orientation moderne vers la liberté indi-