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moustache se retrousse, courte et rangée aux abords sur une lèvre pleine de bonté. Physionomie d’expression double, énergique et tendre, ardente et contenue, pénétrante et voilée, fière et triste, et, marquée, çà et là, aux joues creuses, aux narines pincées et reniflantes, des signes de la souffrance, elle impressionne et retient longtemps l’esprit.

Knut Hamsun n’a que trente-quatre ans, et je crois bien qu’aucune vie ne fut plus aventureuse que la sienne. De bonne heure, elle fut trempée au malheur.

À vingt-deux ans, il quitta la Norvège, chassé par la misère et la faim. Las de lutter, avec un incroyable courage, contre les fatalités qui ne cessaient de l’accabler, désespérant de gagner, par le travail, un morceau de pain, préservé d’ailleurs, par une nature strictement loyale et une indomptable fierté contre les tentations mauvaises, il s’embarqua, un beau jour, sur un navire qui s’en allait pêcher la morue sur les bancs de Terre-Neuve. Lui-même, dans d’étonnantes pages publiées, il y a un an, par La Revue Blanche, il a raconté son existence là-bas. Il serait intéressant de savoir si ces quelques pages, d’un frisson si intense, ne sont point un fragment d’une œuvre plus considérable.

« Mois après mois, écrit Knut Hamsun, nous demeurions sur les bancs de Terre-Neuve, pour pêcher la morue. Les étés et les hivers venaient et s’en allaient, et toujours, nous demeurions