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J’en étais resté à la dernière entrevue que j’eus avec le directeur d’un grand journal républicain.

Ce directeur — ne le désignons pas autrement — est un homme admirable. Il me le fit bien voir tout de suite. Je l’aime, car je lui dois de savoir un peu plus exactement aujourd’hui ce que c’est que l’idéal d’un berger des consciences et d’un éducateur des foules.

— Je voulais, me dit-il, que vous fissiez des articles, chez moi. Mais j’ai reconnu que c’était impossible. Il ne faut vous en prendre qu’à vous-même… Vous êtes un mauvais esprit… et…

Étant d’un naturel aimable et ne voulant contrister personne, quand il n’y a pas un intérêt direct, il hésitait à en dire davantage… Je l’encourageai du mieux que je pus.

— Et… un esprit… excusez-moi… très dangereux, acheva-t-il, en atténuant par une voix amicale la dureté de son jugement.

Ce n’était pas la première fois que j’entendais ce reproche. Je ne m’étonnai point et répliquai avec une bonne grâce souriante et un peu lasse :

— Mauvais, soit !… Mais dangereux ?… Voyons, monsieur… dangereux à quoi ?… à qui ?… À soi-même tout au plus… Ah ! pauvre