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comprends rien à ces reproches, et je serais étonné prodigieusement d’avoir encouru tant d’accusations, si je n’étais au fait, depuis longtemps, des habitudes d’un certain journalisme parisien, des choses qu’il respecte aujourd’hui et qu’il honnit demain, sans savoir exactement pourquoi, sinon qu’il y a des abonnés et qu’il les faut satisfaire.

Aucun, parmi les plus farouches des patriotes, n’a suspecté le patriotisme de Stendhal, pour ce qu’il écrivit la bataille de Waterloo ; tous vantent l’ardent amour humain qui dicta à Tolstoï ses pages enflammées contre la guerre ; je n’ai pas entendu dire que le moindre reporter soit descendu au fond de la conscience de M. Ludovic Halévy et lui ait reproché l’Invasion, un livre sombre et terrible, malgré les enveloppements de la forme, malgré l’esprit de parti politique qui l’anime. Que dirais-je de plus ?… Je n’ai point fait un livre sur la guerre, j’ai, dans un chapitre où sont contés avec douleur les navrements d’une armée vaincue, développé la psychologie de mon héros, qui est une âme tendre, un esprit inquiet et rêveur. Voilà tout.

Et puis, chacun entend le patriotisme à sa façon. Le patriotisme tel que je le comprends, ne s’affuble point de costumes ridicules, ne va point hurler aux enterrements, ne compromet point, par des manifestations inopportunes et des excitations coupables, la sécurité des passants