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d’Ibsen. Cela soit dit, pour qu’on n’oublie pas ce que nous devons à l’initiative éclairée et généreuse de M. Lugné-Poë… Nous lui devons encore cette inoubliable soirée de Monna Vanna, qu’il prépare avec tant de soin scrupuleux, et tant de désintéressement…

Entre la Princesse Maleine, que j’ai relue, hier, et qui demeure un chef-d’œuvre aussi délicieux qu’aux premiers jours de notre enthousiasme, et Monna Vanna, un autre chef-d’œuvre, mais très différent, il s’est passé dans la vie de Maurice Maeterlinck un fait considérable et qui n’est pas si quotidien qu’on le croit, parmi les hommes… Il a vécu. C’est bien toujours le même Maeterlinck, épris d’inconnu et qui aime à descendre dans les profondeurs inexplorées de l’âme, mais un Maeterlinck développé, agrandi, mûri par la vie et par tout ce que la vie peut apporter à une imagination vive, tendre et ardente, comme la sienne, et à un aussi grand cœur que le sien, de joies et de douleurs encore inéprouvées.

Dans la Princesse Maleine, qui a la grâce estompée, imprécise des contes anciens, êtres et choses s’effacent parfois, s’impersonnalisent sur des fonds de légende, parmi des paysages et des architectures de rêve. Dans Monna Vanna, les êtres et les choses se concrètent, se dessinent, nettement, en traits vifs, sur des fonds de réalité. C’est une femme et des hommes aux prises avec l’amour et ses contradictions, et qui exhalent,