Page:Mirbeau - Les Écrivains (deuxième série).djvu/256

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de le défendre contre lui-même, et contre ces lettres publiées récemment, et de lui dire, avec cette tranquillité facilement prophétique que donne la certitude éblouissante de la beauté réalisée… que Pelléas et Mélisande sera un grand et juste triomphe… Je ne me souviens pas d’avoir entendu quelque chose de plus absolument exquis, de plus absolument poignant aussi… N’était le scrupule où je suis de ne point déflorer une œuvre qui ne m’appartient pas encore, puisqu’elle n’a point été livrée au public, avec quelle joie je voudrais exprimer tout ce que j’ai ressenti de sensations neuves et profondes, et infiniment pures, et vraiment humaines, en écoutant chanter ces pauvres petites âmes, douloureuses et charmantes, et qui, dans leur balbutiement, contiennent tout le charme du rêve et toute la douleur de la vie !… Il y avait, ce soir-là, dans la salle, une trentaine de personnes, toutes différentes de sensibilité et d’idées… quelques-unes, même, facilement portées à l’ironie, et qui considèrent volontiers l’émotion comme une tare, ou comme une faiblesse… Eh bien ! toutes étaient sous le même charme angoissant ; toutes avaient au cœur la même émotion, et, durant les trois derniers tableaux, toutes pleuraient les mêmes larmes… Par conséquent, je ne me trompais pas d’être ému à ce point… Mon admiration et mon émotion n’étaient point les dupes de mon amitié… Cela était ainsi. Et votre héroïsme, mon cher