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nels… Tenez, l’histoire de Kepler, c’est à faire frémir… Kepler, ayant découvert la loi des mouvements planétaires, Kepler malade, sans ressources, mourant littéralement de découragement et de faim, trouva un éditeur, lequel, peu riche aussi, savait qu’il entreprenait une affaire commercialement désastreuse, mais ne voulait pas qu’une grande et utile découverte allât se perdre, comme tant d’autres, dans l’immense oubli des choses mortes… Eh bien ! l’existence des Académies a supprimé, purement et simplement cette force, supérieure à toutes les Académies, de la collaboration individuelle au bien général de l’humanité… Chacun pense que son dévouement, sous ce rapport, est devenu inutile, puisqu’on possède maintenant une institution spéciale, l’Institut, officiellement chargé de cette grande, sublime et difficile mission… D’ailleurs, à quoi servirait-elle, cette force ?… À rien… Voyez donc ce que deviennent les luttes des individus contre les Académies !…

M. G. W. respira, un moment, et il continua :

— Supposez que Kepler… revienne… et qu’il implore votre protection ou la mienne… Moi, je lui dirais, à Kepler : « Si vous avez découvert, mon brave homme, quelques lois naturelles inédites, intéressant l’humanité… je n’ai qu’à vous féliciter et à vous plaindre… Quant à vous juger ou à vous aider, puisque vous êtes