Page:Mirbeau - Les Écrivains (deuxième série).djvu/241

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tions académiques, il y avait toujours des hommes capables d’abnégation et de sacrifice, des hommes dévoués au bien public… C’est ainsi — excusez cette comparaison militaire — que les soldats d’un détachement marchent, sans hésiter, à une mort certaine, lorsque chacun est convaincu que, de sa mort, dépend le salut de toute une armée… C’est ainsi — malheureusement, du reste — que toutes les religions ont eu leurs disciples, leurs apôtres et leurs martyrs… C’est ainsi que les œuvres d’Homère, de Moïse, des admirables poètes arabes — les plus grands poètes du monde —, de Mahomet… d’autres encore et encore d’autres, ont pu traverser des siècles et des siècles, parvenir jusqu’à nous, malgré l’absence d’imprimeries, la rareté et l’insuffisance des moyens de transcription, les difficultés de toutes sortes, et les persécutions actives, et sans que personne y attachât le moindre esprit de lucre, ou la vanité d’une récompense honorifique… Il suffisait à l’homme d’être convaincu que l’idée exposée par un penseur sur la place publique ou dans une réunion d’amis, que la beauté exprimée par un conteur de plein air, pussent être belles et utiles aux générations futures, pour que la pensée, le poème ou le conte fussent pieusement recueillis, et transmis de bouche en bouche, de pays en pays, de siècle en siècle, jusqu’au moment d’être fixés par des signes durables, éter-