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dains et tout ce que la mondanité, dans un journal si correct et si strict, si professionnellement strict, pouvait comporter d’études sensationnelles et d’articles spéciaux. Ce bon camarade, mort aujourd’hui, n’était pas très riche… tranchons le mot, il était très pauvre, si pauvre qu’il ne possédait même pas d’habit… non qu’il fût obligé de figurer dans le monde — on ne demandait pas tant à un informateur mondain — mais quand il se rendait à l’office de certaines duchesses ou aux écuries de certains barons, il ne voulait pas se montrer inférieur à la livrée. Vous jugez si sa pauvreté rendait douloureusement ironiques ses fonctions somptuaires… Peu lingé, vêtu de défroques disparates acquises çà et là, logeant en de misérables garnis, ne mangeant pas toujours à sa faim, privé plus qu’aucun autre de toutes les joies, de tous les plaisirs, de toutes les fêtes qu’il célébrait si passionnément, il signait, ma foi… si je me rappelle bien… il signait Lauzun, à moins que ce ne fût Brummel… Et dans les occasions où il fallait déployer plus de psychologie sociale dans plus d’anecdotes rétrospectives, et donner à sa personnalité plus de rehaut dans plus de gravité mystérieuse, alors il n’hésitait pas à signer : « Un vieil habitué » ou « Une douairière », etc. Il épuisa vite, en pseudonymes cossus, tout ce que la noblesse, les clubs, les théâtres, le tennis, le polo, les salons, les boudoirs — les boudoirs ! — la vie élégante