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tout le monde souffre par répercussion, les ouvriers, les patrons, les consommateurs… Et il en donne de tragiques exemples qui font frissonner… Tout ce que le salariat comporte de luttes mauvaises, de haines épuisantes, de honte, d’avilissement, de déchéance humaine, de misère et d’infécondité, il le traduit par la peinture de cette petite ville, avec une force de vérité inoubliable et saisissante. Le salariat est d’ailleurs un régime condamné, et c’est parce qu’il est condamné que le malaise s’accroît, grandit, que les grèves éclatent, partout, dont les revendications, sous les diverses formes qu’elles prennent, et les prétextes dont elles se réclament, n’ont qu’un but, encore obscur au cœur des foules qui les déchaînent, mais fatal, comme une nécessité historique : l’abolition du salariat, la réorganisation du travail, sur des bases entièrement neuves, plus justes, plus humaines, où le travailleur aurait enfin sa part des richesses qu’il crée et dont il n’a jamais rien.

Et, dans un drame admirable, dans une action qui concentre en soi toute la vie, et où l’intérêt va grandissant de ligne en ligne, Émile Zola imagine de substituer à ce régime du salariat et de la haine un régime nouveau de liberté et d’amour, c’est-à-dire l’association, pour l’œuvre commune, du capital, du travail et du génie… l’union de toutes les forces créatrices qui furent si mal utilisées, séparément,