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les qualités dramatiques dont il est rempli, par la vie ardente, passionnée, sans cesse créatrice qui l’anime de la première à la dernière page, mais encore — et c’est là, à mon sens, la beauté nouvelle de ce livre extraordinaire — par la mise en œuvre, par la construction forte et logique d’un idéal social : le bonheur humain dans le travail réorganisé, dans le travail devenu, enfin, ce qu’il doit être, une joie d’homme libre, au lieu de rester ce qu’il fut toujours, plus ou moins, une souffrance, une abjection d’esclave… Glorification sublime, magnifique épopée du travail conquérant, peu à peu, avec toutes les résistances humaines, toutes les forces et toutes les richesses de la nature, pour en faire, non plus le privilège de quelques-uns, mais la jouissance et la propriété de tous !…

Ils sont peu nombreux, en n’importe quelle littérature, ceux qui dans une action dramatique, qui vous prend aux entrailles, au moyen des personnages qui ne sont point des personnages de féerie, ou des abstractions philosophiques, mais qui vivent réellement dans notre humanité, ils sont peu nombreux ceux qui furent capables de concréter un tel rêve, et de donner à ce rêve la forme d’une réalisation possible et vivante… Pour une œuvre aussi gigantesque — puisqu’il ne s’agit de rien moins que de remettre à la fonte tout un système social et d’en diriger la coulée nouvelle vers des moules nouveaux — pour rendre sensible aux yeux de