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tacle des statues nues… Non seulement cela est moral, cela est gratuit… Mais si ces mêmes personnes nues du Louvre, et ces mêmes statues nues des Tuileries, nous nous avisons de les reproduire, par le dessin, dans un journal, elles deviennent, subitement et mystérieusement, immorales… et, nous, nous tombons sous le coup des lois… Voilà une chose qu’il serait important d’élucider… Pour mon compte, je demande, je supplie qu’on m’explique comment il se fait, comment il se peut faire, qu’une chose morale devienne immorale dans le trajet du Louvre au journal !… Transformations secrètes de la matière, quel alchimiste, jamais, éclairera vos mystères !…

Il arriva même, à ce propos, une aventure, que conte le Fin de siècle, et qui m’inquiète, m’obsède, me poursuit, comme une nouvelle d’Edgar Poë.

Vous vous souvenez que, durant l’Exposition, le grand succès des collections réunies au Petit Palais, fut pour la pendule de Falconet, appartenant à M. Isaac de Camondo, qui l’avait prêtée à M. Émile Molinier en attendant qu’elle aille, définitivement, s’ajouter aux richesses du Louvre, à qui M. de Camondo l’a, paraît-il, léguée… Tous les journaux en parlèrent avec extase… On nous raconta son histoire par le menu… Des foules énormes, chaque jour, stationnèrent devant cet objet, qui était devenu, en quelque sorte, national… et qui figure les Heures… Et comment