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Ses yeux s’emplirent de lueurs nouvelles… sa moustache frémit… Il répondit :

— Voilà où en sont les choses… Je tâte… ou plutôt… je fais tâter l’opinion… par des amis discrets et adroits… Je ne serais pas éloigné, en effet, de me présenter à l’Académie… la vraie. Il me semble que cela m’irait assez bien…

Il suivait sur mon visage l’expression que pouvaient y mettre ses paroles… Puis :

— Ton avis, à toi ?

Je fis semblant de réfléchir, pour avoir l’air de prendre au sérieux une telle question… Et gravement, affectueusement, je lui demandai :

— As-tu des titres ?

— Comment… des titres ?… Tu es admirable !… Mais je les ai tous. Je suis ministre.

— Oui, mais encore ?

— Quels titres meilleurs puis-je avoir, que cette situation, unique dans l’histoire, d’un homme parfaitement médiocre, indiciblement ignorant, qui a toujours été, est, et sera toujours ministre ?

— Je ne dis pas le contraire… Mais en as-tu d’autres ? as-tu des titres qui te soient vraiment personnels, et qui ne tiennent pas à la fonction que tu occupes… ah ! si inamoviblement ?

— Comment en aurais-je d’autres, et comment pourraient-ils m’être personnels, puisque je n’ai de raison d’être que par le ministre que je suis… et qui les contient tous, d’ailleurs ?