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pas de ces blagues-là, à toi !… Non !… C’est comme notre ami Rodin. Je lui avais promis… cette année… Eh bien… j’ai décoré Grenet-Dancourt, tu comprends ?… Les amis sont les amis, sapristi !… J’espère que tu ne vas plus me lâcher, maintenant !…

Nous marchions sur la scène encombrée. Le ministre prit mon bras pour me guider à travers des rochers, des mers, des temples, qui tombaient du cintre avec fracas, ou y remontaient… Tout en me guidant, il suivait son idée, et il me disait :

— Pourtant, je voudrais faire quelque chose pour toi… Veux-tu que je commande ton buste à Denys Puech ?… Un sculpteur épatant !… Trois coups de pouce… et la ressemblance y est… Il a manqué sa vocation, ce garçon-là !… Il aurait dû faire le buste dans les restaurants de cocottes et les grands bars des bains de mer… Il en aurait gagné de la galette, en peu de temps !… Je songe à l’emmener avec moi, dans mon département, pendant les élections. Il ferait le buste de tous mes électeurs… Alors, tu ne veux pas ?

Je lui demandai :

— Qu’est-ce que tu ferais de mon buste ?

Mon ami répliqua vivement :

— Mais, mon vieux, je l’offrirais, au nom de l’État, à l’Académie Goncourt… et Bernheim, en mon nom, prononcerait un de ces discours qui vous calent un homme dans la postérité !…