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Tremblante, un peu, comme s’il redoutait…)
Martial dit, comme on dit un poème —
« Sur mon âme, je vous aime,
Et veux mourir, s’il vous plaît que je meure.
Mais dites-moi le but !… »

Ah ! oui ! voilà ce que Yeldis devrait dire… Mais elle ne dit rien, elle sourit et montre la route. Alors Martial :

Marcha vers elle et lui prit la main,
Viril et franc.
Elle fléchit le front comme une enfant
Et, soudain, beau de toute sa jeunesse
Et de sa volonté, et de son bel amour,
Sans un détour,
Il la prit sans un cri et sans un geste
Et sans un mot,
Bondit debout, dedans ses étriers
Et cabra son cheval, vers un galop…

Et ils partent, tous les deux, « dans le crépuscule, vers demain », laissant sur la route M. Vielé-Griffin étonné et solitaire… Mais M. Vielé-Griffin est, tout de même, heureux… Il dit :

Je n’ai pas honte, y songeant, de moi-même,
Je n’ai pas un regret de ce poème :
Je sais que pour l’avoir suivie
Jusque dessous les châtaigniers, je sais la vie ;