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sures ne tardaient pas à se produire. Et alors, notre bon roi (ah ! pourquoi n’avez-vous pas de roi ?…) envoyait par tout le royaume ses féticheurs les plus terribles… Et ceux-ci, couverts de leurs masques horrifiants, à corne rouge, clamaient : « Le toit du roi se dépave !… Le toit du roi se dépave !… » Aussitôt, les massacres s’organisaient partout, la terre, pourtant si rouge, de notre pays, rougissait sous les flots de sang… Et le toit du roi reprenait bien vite un aspect tout neuf, éclatant, vraiment royal !… Hélas ! tout cela n’est plus aujourd’hui. D’infâmes cosmopolites sont venus qui ont détruit à jamais cette beauté nationale !…

— Ne désespère pas, ô bon nègre, lui dis-je par l’obligeante entremise de M. de Wyzewa, car si M. de Wyzewa sait le nègre, il sait aussi, parfois, le français. Ne te désespère pas… et ne pleure pas sur les malheurs de ta patrie… Ils ne sont que transitoires et passagers… Rien ne meurt ici-bas et tout reparaît de ce qui semblait le plus mort… Tu reverras bientôt, peut-être, la corne rouge et le masque de massacre de tes féticheurs ; tu reverras aussi, crois-le bien, refleurir sur le palais de ton roi les belles têtes coupées !…

— Dieu t’entende !… fit mon ami avec un geste de prière…

— Dieu entend toujours ceux qui lui parlent