Page:Mirbeau - Les Écrivains (deuxième série).djvu/194

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sons, dont les auteurs sont complètement ignorés. Il en est quelques-unes de fort jolies et de fort expressives… Telle celle-ci, qui se différencie des productions ordinaires de M. Vielé-Griffin par son émouvante naïveté :

Je suis allé dans la forêt :
Dans la forêt il y a des arbres,
Dans les arbres il y a des branches,
Dans les branches il y a des feuilles,
Et dans les feuilles et sur les branches
Il y a des oiseaux,
Et dans les oiseaux il y a une musique,
Une espèce de petite flûte
Qui, soir et matin, fait : « Pipi… pipi… pipi ! »

Je lui ai demandé si, parmi ces chansons populaires, il y en a qui évoquent l’horreur des massacres et des sacrifices humains si en honneur, il n’y a pas longtemps, au Dahomey.

— Oh ! non ! m’a-t-il répondu… Les sacrifices et les massacres sont de trop admirables choses pour qu’on ose les mettre en chansons !

Car mon ami est très nationaliste. Il se plaint amèrement — mais avec cette amertume candide qu’ont les nègres — du bouleversement que les Français ont opéré, depuis la conquête, dans son pays… il y a sept ans…

— Ça n’est plus ça du tout ! me dit-il, non sans tristesse, une tristesse douce et résignée qui met une jolie mélancolie dans la gaieté de ses yeux noirs… Et je ne reconnais plus le Daho-