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a été détourné de son but — qui est la continuation de la vie, la perpétuation de l’espèce — par les lois civiles que tu sers et les lois religieuses auxquelles tu es asservi… et que ces deux lois, victorieuses de la nature, ne vont jamais l’une sans l’autre. Par le mariage — c’est-à-dire par l’organisation de la richesse et la transmission de la propriété — tes lois civiles restreignent, empêchent la libre expansion de l’amour : elles tuent, en combien d’êtres humains, le germe de vie ; donc elles accomplissent une œuvre de mort. Les lois religieuses, dans une volonté de discipline et d’universelle domination, ont fait de l’amour, c’est-à-dire de l’éclosion éternelle de la vie, un épouvantail et un péché. Toutes les deux, par les entraves légales ou morales qu’elles apportent à l’amour, ont été les principales causes de perversions sexuelles qui désolent l’humanité et sont un crime véritable contre l’Espèce. Est-ce donc de la pornographie, de l’excitation à la débauche, de montrer, dans leur horreur et dans leur douleur, ces crimes que vous protégez, toi, ta Justice et ta Loi ?… Est-ce que tu ne permets pas aux savants, aux médecins, aux physiologistes, d’étudier ces maladies, de sonder ces plaies de l’amour ?… Est-ce que tu vas, dans leurs laboratoires, saisir leurs bistouris, leurs cornues et leurs livres, et les offrir en holocauste, à la vertu bourgeoise outragée par eux ? Alors, pourquoi saisis-tu mon livre ?