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les textes s’illustrent d’images si plastiquement suggestives ; dans ce pays, refuge classique de toutes les pornographies du monde, il est juste qu’on persécute une œuvre qui n’avait qu’une prétention — à défaut d’un art qu’elle eût voulu plus grand et encore plus sévère — celle d’évoquer des formes de la douleur et de la pitié.

Décidément, la Belgique me comble.

Elle me comble d’autant plus que je suis, paraît-il, menacé à ce propos des pires déchéances et des plus déplorables catastrophes. Si j’en crois mon ami, je vais être poursuivi et, naturellement, condamné… Condamné à des amendes que je ne payerai pas, à de la prison que je ne ferai pas, à toutes les sortes de peines afflictives et infamantes en usage dans ces sortes de pantomimes judiciaires. Par surcroît, et pour bien attester l’ignominie de mon crime, je serai dépouillé, en cette libre Belgique, des droits civils que je n’ai point, ainsi que des droits électoraux que je n’ai pas davantage et qu’il m’a toujours répugné, électeur méfiant et modeste souverain, d’exercer en France, où je les possède encore dans leur intégrité.

Ô Vandepereboom, me voilà joli garçon !

Ce qui m’inquiète et me trouble un peu, en cette triste aventure, ce qui complique vraiment ma situation, c’est que, malfaiteur surveillé et dangereux contumax, sous peine de me voir mettre la main au collet par les sbires flamands, je ne pourrai plus m’épurer l’âme dans les ca-