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En dépit de l’anormale gravité des faits qu’il dénonçait à l’indignation du monde, pas une seule des assertions de M. Georges Keunan ne fut démentie, ni même contestée. Toutes les atrocités, toutes les barbares violences contre la personne humaine, commises dans les mornes et inaccessibles solitudes de l’Empire du Nord, on aurait, peut-être, pu en suspecter le récit, tant elles dépassaient les limites de la cruauté répressive et de la folie autoritaire, si un autre que M. Keunan, moins connu par la scrupuleuse droiture de son esprit et son inattaquable véracité, en eût assumé la stupéfiante révélation. À ceux qui, malgré tout, seraient tentés de les révoquer en doute ou de les taxer d’exagération, il est bon de dire que M. Keunan n’aurait su mettre dans son enquête et dans ses récits, la moindre passion révolutionnaire, ses idées n’excédant pas la mesure du libéralisme le plus modéré. C’est donc cette évidente impartialité qui donne à l’œuvre de l’écrivain américain sa valeur morale et sa force de protestation.

Les observations de M. Georges Keunan, dans ces sombres pays de deuils et de souffrances, aux frontières desquels, sur des poteaux noirs, on pourrait clouer l’inscription dantesque, datant de dix ans, à peu près. Peut-être, objecterez-vous, que, depuis ce temps, les mœurs politiques, en Russie, sont devenues plus douces et qu’elles marquent enfin un progrès notable sur celles du Dahomey. Il n’en est rien. Dans