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II


Bien qu’il évitât d’en parler, Georges Rodenbach m’a plusieurs fois confessé sa peur de la mort. Elle datait de loin, de la petite enfance, du collège ! Et comme il savait donner au moindre récit un tour passionnant et distingué ! C’était à Bruges, chez les jésuites. Chaque semaine, le mercredi, je crois, on le menait en promenade, non dans la campagne, comme il l’eût désiré, mais autour de la ville, à travers la banlieue, qui, à Bruges de même qu’ailleurs, est si triste ; triste de n’être plus la ville, et de n’être pas encore les champs ; triste d’être ce paysage incertain et funèbre qui n’est fait que de ces deux inexistences, ou de ces deux agonies. Chaque fois, par un choix singulier, on le faisait s’arrêter devant le cimetière… C’était l’endroit qu’on avait élu pour l’encourager aux