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multiple, la composition originale et bien ordonnancée, l’intérêt soutenu.

Le Mauvais désir est, sans complication romanesque, dans un décor de vie mondaine, une histoire d’amour. Et c’est tout ! Et c’est spirituel, sensuel, profond, dramatique, angoissant ! Chaque personnage, même celui qui passe, a une vie intense. Il agit et pense selon son milieu, avec tous les caractères de pensée et d’action qui lui sont propres. Les milieux aussi sont rendus avec une vérité absolue, dans toute la philosophie d’une observation qui ne laisse rien échapper des gestes et des pensées.

Commencé gaiement parmi des grâces légères, des ironies, des sensualités délicates, au milieu d’une société libertine et facile, le roman finit brusquement dans un coup de drame. Et le drame est d’autant plus poignant, il vous prend d’autant plus aux entrailles qu’il n’est point seulement dans les péripéties, d’ailleurs très simples, mais dans l’idée, dans le pathétique et la terreur de l’idée, laquelle descend, comme une lueur sinistre, jusque dans le fond de la chair, jusque dans le fond des ténèbres de la chair.

L’amant du Mauvais désir est jaloux. La jalousie le torture, lui tenaille l’esprit et le corps. Chaque baiser lui laisse aux lèvres comme un affreux goût de mort ; dans chacune des étreintes, il goûte comme une volupté sauvage et meurtrière d’étouffement. Il ne sait pas lequel