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si différentes, mais encore de m’avoir fait revivre d’une vie, hélas ! trop oubliée et que, depuis si longtemps, je ne connaissais plus.

Il y a déjà pas mal d’années que je suis M. Lucien Muhlfeld qui, pourtant, est un homme très jeune. Ses débuts littéraires remontent, je crois, à la fondation de la Revue blanche. Ils m’intéressèrent vivement. Du premier coup, ils révélaient un écrivain de la bonne race, en même temps qu’un tempérament ultra-moderne. Très maître de son esprit et de son écriture, il s’affirmait singulièrement armé pour la critique, c’est-à-dire pour le maniement des idées. On sentait en lui un homme de savoir, de forte culture, de goût raisonné, d’intelligence subtile et précise. Au milieu de tous les styles, trop lourdement embrumés, ou surchargés d’inutiles détails, dont s’encombrent, à l’ordinaire, les jeunes revues, je remarquai le lien aigu et concis, élégant et sobre, d’une forme presque classique, d’un dessin net et souple ; un style, enfin. L’ironie s’y jouait à l’aise et charmante et musicale, parmi les hautes spéculations de la littérature, de la philosophie et de la vie. Pas très bienveillant, certes, pas toujours juste non plus, M. Lucien Muhlfeld, en revanche, était absolument exempt de ces partis-pris d’écoles et