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ils tendent… Ils ne chantent plus l’ivresse de la mort, du non-être, du non-créer ; ils veulent vivre, ardemment, sainement, totalement… Ils ne s’hypnotisent pas à regarder leur nombril, point central du néant… Bien au contraire, ils communiquent leur ferveur et leur foi à tout ce qui les entoure… ils se groupent, non pas seulement dans les cafés de Montmartre et dans les brasseries du Quartier Latin ; ils conquièrent les provinces, les villes, y organisent des centres d’action, d’éducation morale ; ils créent des journaux, des revues, des représentations théâtrales, des foyers de pensée… Ne vous y trompez pas… C’est tout un mouvement qui commence, qui ne peut que se développer et grandir, et dont le résultat sera fécond.

Le vieillard secouait la tête.

— Ils sont jeunes, dit-il. Mais bientôt la vie viendra sur eux avec ses paresses, ses plaisirs ou ses ambitions… Elle aura vite fait d’éteindre les flammes de cette belle générosité… D’ailleurs, le mal est trop profond ; il a trop sérieusement atteint, de son virus, les moelles du corps social pour que nous puissions espérer une guérison, ou un changement…

Je l’interrompis brusquement :

— Il ne faut jamais désespérer d’un peuple — si pourri qu’il soit — quand une jeunesse intelligente et brave, se lève pour la défense de la justice et de la liberté !