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DE MOÏSE À LOYOLA


Un soir, au Casino de Génézareth-sur-Mer, nous étions, M. Joseph Reinach et moi, assis l’un près de l’autre — non point par hasard, mais par élection de sympathie — à la table des Petits Chevaux. M. Joseph Reinach gagnait beaucoup ; aussi était-il très aimable. Mais, je dois le dire, qu’il perdît ou qu’il gagnât, il se montrait toujours vis-à-vis de moi et, d’ailleurs, vis-à-vis de tout le monde, d’une inaltérable, empressée et charmante amabilité. Pas une seule fois je n’avais remarqué, en lui, ce ton tranchant, cette morgue, cette insolence combative qu’il avait à la Chambre, au temps de sa puissance ; pas une seule fois, non plus, il ne nous avait parlé de tuer ou d’emprisonner, ou de reléguer ses adversaires. Il semblait vraiment renoncer aux réquisitoires terribles, aux grandes et petites catilinaires, aux justes lois,