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d’or ; les bas instincts qu’elle rallume impérieusement même au fond des cœurs restés purs et que gagne la contagion universelle ; la complexité des intérêts contraires mis en lutte acharnée et sans merci, chacun ne songeant qu’à soi, comme dans le sauve-qui-peut d’une déroute ; le contrecoup, dans les familles, quelquefois tragique jusqu’au parricide, des passions que la fièvre de l’or déchaîne et qui mènent jusqu’à la négation de toute loi morale et sociale, cette belle société, vénale et pourrie, et pourtant si fière de se dire la gardienne des grands principes, des grands mots, des grandes blagues, tout cela vit, s’incarne en d’inoubliables figures, se circonscrit en scènes émouvantes, à chaque page, à chaque ligne. Le grand mérite de M. Paul Hervieu est qu’il a su éviter l’ennui des prêches et l’inutilité des thèses sociales dans un sujet qui eût, sans nul doute, entraîné à d’inutiles bavardages un esprit moins averti que le sien. Et quelle mesure spirituelle il a su mettre dans l’étude de telles bassesses, et la belle tenue, et la correction avec laquelle leurs propriétaires les mènent dans le monde !

Tel est ce livre admirable : l’Armature. Il complète Flirt et Peints par eux-mêmes, et forme, avec ces deux derniers, une trilogie que les moralistes futurs devront consulter avec soin, quand ils voudront se faire une idée de notre société mondaine d’aujourd’hui.

J’aime et j’admire profondément ce livre,