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à l’esprit d’un jeune homme, ivre d’action et de domination intellectuelle, que le rêve de la destruction totale par l’anarchie, avec les bombes de ses solitaires, ou par le coup d’État du bon aventurier, avec les charges de ses cavaliers, pleins de vin. L’Empereur, n’est-ce point la bombe qui a réussi ?

Je me suis arrêté devant ce livre, et je l’ai trouvé héroïque, parfois, et toujours curieux. En son apparent désordre, il est un, car une même pensée d’inquiétude, de révolte, et de domination en relie tous les chapitres si dissemblables, et qui vont de l’âme d’une petite femme aux âmes tristes des foules et des Parlements ; du café où la bière coule parmi les esthétiques, à l’échafaud où s’égoutte, guillotinée, la tête impériale, farouche et tendre d’un enfant à cœur de héros. Ils vont partout. Et l’ombre de Napoléon plane très haut sur tout cela. Et c’est lyrique comme un poème, d’un lyrisme souvent superbe dont la raillerie qui çà et là grimace, n’arrête pas l’envolée vers les hauteurs. La phrase est souple sans clownerie, sonore sans déclamation, et pleine d’images heureuses qui se gravent dans l’esprit.

Je ne sais pas si ce livre imposera un Empereur au destin ; je sais seulement que les jeunes gens, parmi les éreintements et les dénigrements, lisent ce livre, s’inquiètent, méditent et le relisent. Leurs frères aînés, leurs parrains à leur tour, en haussent les épaules et se disent :