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que j’ai des bras solides et qu’une découverte de plus ou de moins n’est pas pour m’embarrasser.

Dans la vie, les choses s’arrangent souvent beaucoup mieux qu’on ne croit. Sans cette circonstance mémorable et providentielle qui veut que la découverte de M. Ernest La Jeunesse me fût exclusivement attribuée par d’intransgressibles penseurs et des philosophes de tout repos, j’eusse toujours ignoré, à l’exemple de Pascal, d’où je viens et ce que je suis, et aussi quelle est l’âme, l’âme immortelle de M. Georges Duval. C’est une belle âme et — je dois me rendre à l’évidence — je suis un bien triste sire. Et voici comment M. Georges Duval arrive à cette double conclusion :

— Chaque matin, raconte M. Georges Duval, des jeunes gens viennent me voir qui me demandent comment il faut faire pour conquérir, tout d’un coup, la célébrité. Et je leur dis : « Rien n’est plus simple, mes amis, ni plus facile. Vous n’avez qu’à écrire de Victor Hugo qu’il est un galapiat, de Balzac un vulgaire crétin, de Corot un barbouilleur infâme. Immédiatement vous aurez l’amitié et la protection de M. Octave Mirbeau, lequel vous sacrera hommes de génie. Et le tour sera joué. » Nul doute que M. Ernest La Jeunesse n’ait scrupu-