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pauvres qui envient les riches !… Ah ! les riches ne sont pas heureux, monsieur !… Ils ont des tourments, des douleurs que l’on ne connaît pas. Vos fermes qui ne se louent pas, vos forêts qui brûlent, vos intendants qui vous volent, vos fils qui font des dettes pour des cocottes ! Est-ce que les pauvres connaissent ces incessants soucis ?… Non, non !… mille fois non !… Aussi, moi, j’ai toujours rêvé ce joli rêve… Je voudrais avoir un petit champ, un tout petit champ, avec une toute petite maison et un tout petit cheval, et une toute petite vache, et deux mille francs de rente que je gagnerais, en cultivant ce petit champ, en faisant travailler ce petit cheval et cette petite vache… Deux mille francs… oui, monsieur, et pas un sou de plus !… Être pauvre ! quel rêve !… Quelle idylle charmante et virgilienne !… Mais je ne peux pas, même par le rêve, être ce pauvre heureux et candide… J’ai trop d’hôtels, trop de châteaux, trop de forêts, trop de chasses, trop d’amis, trop de domesticité ! Je suis rivé à ce boulet : la fortune !… Ah ! je suis bien malheureux, allez !…

M. Albert Christophle, alors gouverneur du Crédit Foncier, dit pareillement :

— Folies !… Folies !… Le socialisme n’existe pas, et il n’y a pas de crises, pas de troubles, pas de malaises, il n’y a que du contentement et de la joie. Les ouvriers sont de braves gens, qui comprennent leur devoir et qui travaillent,