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confidence, où il n’y a plus qu’à tirer de lui l’essence intime de son esprit. Nous l’avons, dès lors, au naturel, en robe de chambre et pantoufles, criant de vérité, avec sa figure, sa pensée, son âme de tous les jours. Et il aura beau protester par la suite, il aura beau nier ses propres idées, démentir ses propres paroles, démentis, dénégations, protestations, ne nous toucheront point et nous n’y verrons que le regret tardif ou le dépit irrité de s’être montré si véridiquement lui-même.

— Ah ! l’on ne m’y reprendra plus ! s’écrie-t-il, furieux d’avoir laissé violer les plus secrets tiroirs de son âme.

En quoi il se trompe, car M. Jules Huret l’y reprend toujours.

Dans l’Enquête sur l’évolution littéraire, M. Jules Huret nous avait dévoilé l’âme, toute nue, du littérateur et du poète, et il faut convenir que ce n’était pas très beau. Avec l’Enquête sur la question sociale, publiée, aujourd’hui, il nous montre, par de vivants et aigus portraits — des portraits peints par eux-mêmes — ce que c’est qu’un capitaliste et un prolétaire, et ça ne nous semble guère plus consolant. Il ressort, surtout, de ces études parlées, que personne ne sait au juste comment on doit entendre la question sociale et où elle nous mène, pas plus le capitaliste, bien tranquille dans la forteresse de ses millions, que le prolétaire avachi et fatigué, comptant pour sa délivrance sur les vagues