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La mère

Tu sais bien que non… Tu sais bien que c’est un médecin allemand…

Le poitrinaire

Pourquoi n’est-il pas venu, aujourd’hui ?

La mère

Il est venu, je t’assure…

Le poitrinaire

Non ce n’est pas lui qui est venu !… Je voudrais la voir… Je l’aime mieux que Jenny… Elle est plus pâle qu’un dahlia blanc !… un tout petit dahlia blanc !… Mère, regarde cette petite voile, là-bas, très loin, dans le soleil… On dirait que c’est son âme qui s’en va.

La mère

Allons, mon enfant, il est temps de rentrer… Tu vois bien, il n’y a plus de soleil sur la terrasse…

Le poitrinaire

Oui, tout à l’heure… Quand la voile aura disparu… Comme elle est blanche !… Peut-être que toutes ces voiles sont les âmes des pauvres morts… Elles ne sont plus tristes… Elles sont heureuses, comme des oiseaux… Où vont-elles ?…

La mère

Je vais dire qu’on vienne… Attends que j’arrange tes oreillers… Tu n’as pas froid ?

Le poitrinaire

Non, je n’ai pas froid… Est-ce que je suis pâle ?…