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(Il boit, avec un effort douloureux des lèvres… le liquide coule par chaque coin de la bouche).

Le poitrinaire (après avoir bu).

Ah ! que c’est fatigant de boire ! Je ne sais pas pourquoi tu m’obliges à boire tous ces remèdes !… Je ne suis pas malade, moi !… Et ces fioles rangées, dans ma chambre, sur la nappe blanche, cela m’attriste tant… Il me semble que ce sont des cierges et qu’il y a un mort, tout près, pour qui l’on prie…

La mère

Ne parle pas, je t’en supplie. Repose-toi… veux-tu que je te lise quelque chose !

Le poitrinaire

Oh ! non ! merci, petite mère… Je n’aime plus les livres… il n’y a plus rien dans les livres. Parfois, quand je pense, j’entrevois des choses qui viennent de très loin, et c’est bien plus beau que ce qu’il y a dans les livres…

La mère

Repose-toi, mon enfant, je t’en supplie… Ne dis plus rien… Tu vas tousser encore…

Le poitrinaire

Mais, non, c’est fini… Je suis bien, je me trouve très bien… Je ne suis pas malade… Je ne veux plus que le médecin vienne ici… Chaque fois qu’il vient ici, je ne sais pas pourquoi, cela te rend toute