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La mère

Sans doute, ils vont venir… Ils viennent tous les jours,

Le poitrinaire

Ah !…

La mère

Est-ce que cela te chagrine ?

Le poitrinaire

Jenny me fatigue… Elle rit trop… oui, je crois qu’elle m’a beaucoup fatigué, hier… Je n’aime pas son rire… ; Je n’aime pas qu’on soit si gai… Il me semble que ce n’est pas bien de rire et d’être gai… quand je la vois si joyeuse, si bien portante, je ne sais pas pourquoi, j’ai souvent envie de pleurer… J’ai… j’ai… j’ai trop chaud !… Je suis tout en sueur… Cela me brûle, là, dans la poitrine… (Il est pris d’une quinte de toux. Sa poitrine râle, ses flancs halètent, sa mère se lève, se penche près de lui, lui soutient doucement la tête, lui essuie doucement le front, où roulent de grosses gouttes de sueur)… oh ! le maudit rhume !… comme il me tient !… comme il me fait mal !(La mère verse dans une tasse quelques cuillerées d’une potion calmante)… mais je ne suis pas malade, n’est-ce pas ?… Cela passera… Je ne veux pas que Jenny vienne… Je crois que c’est elle qui me fait tousser… Dis, mère, elle ne viendra pas ?…

La mère (lui tendant la tasse).

Non, mon chéri, elle ne viendra pas… allons, bois un peu… bois doucement… tu t’agites, tu t’agites… tu parles, tu parles !… allons, bois…