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Tout cela m’enthousiasme, moi, parce que je suis Français… parce que j’ai le sentiment de l’honneur français… parce qu’il y a assez longtemps que je pleure la défaite et la perte de nos chères provinces, si françaises !… Qu’est-ce que vous dites ?

Premier passant

Rien.

Deuxième passant (le fixant sévèrement)

Oui, il y a assez longtemps que je les pleure !…

Premier passant

Je n’en doute pas… Mais permettez-moi de vous dire que vous avez une façon de les pleurer commode et joyeuse… Je vous vois toujours avec des femmes, et vous passez vos nuits au jeu !…

Deuxième passant

Ah ! c’est bien cela, ces gens qui ne croient à rien !… Parce que je cherche à étourdir mes patriotiques douleurs !… Parce que je ne fais pas de grands gestes, ni ne pousse de grands cris… Et que savez-vous de ce qui bouillonne dans mon cœur. (Déclamant) :

La douleur est pesante au cœur qui la recèle.


(Brusquement synthétique.) J’avais l’amitié de Gambetta, mon cher… Je suis resté de son école… Mais trêve de personnalités, si vous le voulez bien… Tâchez, si vous le pouvez, de demeurer un instant dans le domaine de la pure philosophie. Examinons la question au point de vue général, au point de vue social… Eh bien, je dis que la guerre est nécessaire… Je dis