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LE MAL MODERNE


Un passant.
Un autre passant.
Les deux passants s’abordent et se mettent à causer.


Premier passant

Eh bien ?… Quelles nouvelles ?

Deuxième passant

Excellentes aujourd’hui… Dieu merci, excellentes ! (Il se frotte les mains.)

Premier passant

Ah ! Ah ! J’en étais sûr… C’était encore pour nous effrayer.

Deuxième passant

Qu’est-ce que vous dites ?

Premier passant

Je dis que toute cette campagne allemande, toutes ces menaces allemandes étaient pour nous effrayer… Et puisque les nouvelles sont excellentes… c’est que tout danger a disparu. (Il se frotte les mains.)

Deuxième passant

Vous me faites pitié, tenez !… après Cronstadt, parler ainsi !… (Il lui met la main sur la poitrine.)… Vous n’avez donc rien là ?… Il ne vous bat donc rien là ?… (Il le secoue)… Qu’est-ce que vous avez là ?…

Premier passant

J’ai… J’ai… Pardon !… Mais d’abord qu’est-ce que cela signifie ?

Deuxième passant (avec de grands gestes)

Cela signifie… Ah ! oui, vous me faites bien pitié ! Non, vraiment, je vous plains ! Cela signifie que vous avez perdu jusqu’au