à croire qu’une bête me déchirait, avec ses dents, avec ses griffes, l’intérieur du corps… Déjà, le matin, en me levant, à force d’avoir perdu du sang, je m’étais évanouie… Comment ai-je eu le courage de me tenir debout, de me traîner, de faire mon service ? Je n’en sais rien… Parfois, dans l’escalier, j’étais obligée de m’arrêter, de me cramponner à la rampe afin de reprendre haleine et de ne pas tomber… J’étais verte, avec des sueurs froides qui me mouillaient les cheveux… C’était à hurler… Mais je suis dure au mal, et j’ai cette fierté de ne jamais me plaindre devant mes maîtres… Madame me surprit, à un moment où je pensais défaillir. Tout tournait autour de moi, la rampe, les marches et les murs.
— Qu’avez-vous ? me dit-elle, rudement.
— Je n’ai rien.
Et j’essayai de me redresser.
— Si vous n’avez rien, reprit Madame, pourquoi ces manières-là ?… Je n’aime pas qu’on me fasse des figures d’enterrement… Vous avez un service très désagréable…
Malgré ma douleur, je l’aurais giflée…
Au milieu de ces épreuves, je repense toujours à mes places anciennes… Aujourd’hui, c’est celle de la rue Lincoln que je regrette le plus… J’y étais seconde femme de chambre et je n’avais, pour ainsi dire, rien à faire. La journée, nous la passions dans la lingerie, une lingerie magnifique,