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des choses cochonnes… mais je n’aime pas en lire… Je n’aime que les livres qui font pleurer…


Au dîner, on a servi le pot-au-feu… Il m’a semblé que Monsieur et Madame étaient en froid. Monsieur a lu le Petit Journal avec une ostentation provocante… Il froissait le papier, en roulant de bons yeux, comiques et doux… Même quand il est en colère, les yeux de Monsieur restent doux et timides. À la fin, sans doute pour engager la conversation, Monsieur, toujours le nez sur son journal, s’est écrié :

— Tiens !… Encore une femme coupée en morceaux…

Madame n’a rien répondu… Très raide, très droite, austère dans sa robe de soie noire, le front plissé, le regard dur, elle n’a pas cessé de songer… À quoi ?…

C’est peut-être à cause de moi que Madame boude Monsieur…