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Je passe devant Joseph, le jardinier-cocher, qui ratisse les allées… Je crois qu’il va me parler ; il ne me parle pas… Il me regarde seulement d’un air oblique, avec une expression singulière qui me fait presque peur…

— Un beau temps, ce matin, monsieur Joseph…

Joseph grogne je ne sais quoi entre ses dents… Il est furieux que je me sois permis de marcher dans l’allée qu’il ratisse…

Quel drôle de bonhomme, et comme il est mal appris… Et pourquoi ne m’adresse-t-il jamais la parole ?… Et pourquoi ne répond-il jamais, non plus, quand je lui parle ?


À la maison, Madame n’est pas contente… Elle me reçoit très mal, me bouscule :

— À l’avenir, je vous prie de ne pas rester si longtemps dehors…

J’ai envie de répliquer, car je suis agacée, irritée, énervée… mais, heureusement, je me contiens… Je me borne à bougonner un peu.

— Qu’est-ce que vous dites ?…

— Je ne dis rien…

— C’est heureux… Et puis, je vous défends de vous promener avec la bonne de M. Mauger… C’est une très mauvaise connaissance pour vous… Voyez… tout est en retard, ce matin, à cause de vous…

Je m’écrie, en dedans :

— Zut !… zut !… et zut !… Tu m’embêtes… Je