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Moi, je lui ai conseillé, vous pensez bien, d’actionner le notaire et sa femme.

— Pour sûr… ah ! pour sûr…

— Eh bien, la Justine hésite… parce que et parce qu’est-ce… Finalement, elle ne veut pas… J’ai idée que M. le curé, qui dîne toutes les semaines chez les Rodeau, est intervenu… Enfin, elle a peur… quoi !… Ah ! si c’était moi… Certes, j’ai de la religion… mais il n’y a pas de curé qui tienne… Je leur en ferais cracher de l’argent… des cents et des mille… et des dix mille francs…

— Pour sûr… ah ! pour sûr…

— Manquer une occasion comme ça ?… Malheur !

Et le chapeau mousquetaire claque comme une tente sous l’orage…

L’épicière ne dit rien… Elle a l’air gêné… Sans doute qu’elle fournit le notaire… Adroitement elle interrompt les imprécations de Rose.

— J’espère que mademoiselle Célestine voudra bien accepter un petit verre de cassis avec ces demoiselles ?… Et vous, mam’zelle Rose ?…

Cette invitation calme toutes les colères, et, tandis que d’un placard elle retire une bouteille et des verres que Rose dispose sur la table, les yeux s’allument et les langues passent, effilées, sur les lèvres gourmandes…

En partant, l’épicière me dit, aimable et souriante :

— Ne faites pas attention, parce que vos