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tout seul, ma petite… Autant dire que je suis la maîtresse… Dame !… un ancien capitaine… c’est naturel, n’est-ce pas ?… Ça n’a pas d’administration… ça n’entend rien aux affaires de ménage… ça aime à être soigné, dorloté… son linge bien tenu… ses manies respectées… de bons petits plats… S’il n’avait pas, près de lui, une personne de confiance, il se laisserait gruger par les uns, par les autres… Ce n’est pas ça qui manque ici, mon Dieu, les voleurs !

L’intonation de ses petites phrases coupées, le clignement de ses yeux achèvent de me révéler sa situation exacte dans la maison du capitaine Mauger…

— Dame !… N’est-ce pas ?… Un homme tout seul, et qui a encore des idées… Et puis, il y a tout de même de l’ouvrage…. Et nous allons prendre un petit garçon, pour aider…

Elle a de la chance, cette Rose… Moi aussi, souvent, j’ai rêvé de servir chez un vieux… C’est dégoûtant… Mais on est tranquille, au moins, et on a de l’avenir… N’empêche qu’il n’est pas difficile, pour un capitaine qui a encore des idées… Et ce que ça doit être rigolo, tous les deux, sous l’édredon !…

Nous traversons tout le pays… Ah vrai !… Il n’est pas joli… Il ne ressemble en rien au boulevard Malesherbes… Des rues sales, étroites, tortueuses, et des places où les maisons sont de guingois, des maisons qui ne tiennent pas debout,