Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/65

Cette page a été validée par deux contributeurs.

cette nuit… Toute la nuit, je l’ai attendu… et il n’est pas venu… Et il ne viendra jamais plus !

Je la consolais de mon mieux :

— C’est que Monsieur est sans doute trop fatigué avec ses travaux… Les savants, ça n’a pas toujours la tête à ça… Ça pense à on ne sait quoi… Si Madame essayait des gravures, avec Monsieur ?… Il paraît qu’il y a de belles gravures, auxquelles les hommes les plus froids ne résistent pas…

— Non… non… à quoi bon ?…

— Et si Madame faisait, tous les soirs, servir à Monsieur… des choses très épicées… des écrevisses ?…

— Non ! non !…

Elle secouait tristement la tête :

— Il ne m’aime plus, voilà mon malheur… Il ne m’aime plus…

Alors, timidement, sans haine, d’un regard plutôt implorant, elle m’interrogeait :

— Célestine, soyez franche avec moi… Monsieur ne vous a jamais poussée dans un coin ?… Il ne vous a jamais embrassée ?… Il ne vous a jamais… ?

Non… cette idée !

— Dites-le moi, Célestine ?…

Je m’écriais :

— Bien sûr que non, Madame… Ah ! Monsieur se moque bien de ça !… Et puis, est-ce que