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— Eh bien !… me voilà propre… Il ne me manquait plus que cela… Et je suis bien tombée !…


Ah oui ! je suis bien tombée… Et voici du nouveau.

Madame s’habille toute seule et se coiffe elle-même. Elle s’enferme à double tour dans son cabinet de toilette, et c’est à peine si j’ai le droit d’y entrer… Dieu sait ce qu’elle fait là-dedans des heures et des heures !… Ce soir, n’y tenant plus, j’ai frappé à la porte, carrément. Et telle est la petite conversation qui s’est engagée entre Madame et moi.

— Toc, toc !

— Qui est là ?

Ah ! cette voix aigre, glapissante, qu’on aimerait à faire rentrer, dans la bouche, d’un coup de poing…

— C’est moi, Madame…

— Qu’est-ce que vous voulez ?

— Je viens faire le cabinet de toilette…

— Il est fait… allez-vous-en… Et ne venez que quand je vous sonne…

C’est-à-dire que je ne suis même pas une femme de chambre, ici… Je ne sais pas ce que je suis ici… et quelles sont mes attributions… Et, pourtant, habiller, déshabiller, coiffer, il n’y a que cela qui me plaise dans le métier… J’aime à jouer avec les chemises de nuit, les chiffons et les rubans, tripoter les lingeries, les chapeaux,