Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/514

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Comme autrefois, nous nous retrouvions, le soir, à la sellerie :

— Eh bien, Joseph ?…

— Ah ! vous voilà, Célestine !

— Pourquoi ne me parlez-vous plus ?… Vous avez l’air de me fuir…

— Vous fuir ?… moi… ? Ah ! bon Dieu !…

— Oui… depuis cette fameuse matinée…

— Parlez point de ça, Célestine… Vous avez de trop mauvaises idées.

Et triste, il dodelinait de la tête.

— Voyons, Joseph… vous savez bien que c’est pour rire. Est-ce que je vous aimerais si vous aviez commis un tel crime ?… Mon petit Joseph…

— Oui, oui… vous êtes une enjôleuse… C’est pas bien…

— Et quand partons-nous ?… Je ne puis plus vivre ici.

— Pas tout de suite… Il faut encore attendre…

— Mais pourquoi ?

— Parce que… ça se peut pas… tout de suite…

Un peu piquée, sur un ton de légère fâcherie, je disais :

— Ça n’est pas gentil !… Et vous n’êtes guère pressé de m’avoir…

— Moi ? s’écriait Joseph, avec d’ardentes grimaces… Si c’est Dieu possible !… Mais, j’en bous… j’en bous !…

— Eh bien alors, partons…