Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/496

Cette page a été validée par deux contributeurs.

la vanité littéraire… un genre de bêtise plus bas que les autres : la bêtise politique…

Là, j’ai connu M. Paul Bourget en sa gloire ; c’est tout dire… Ah ! c’est bien le philosophe, le poète, le moraliste qui convient à la nullité prétentieuse, au toc intellectuel, au mensonge de cette catégorie mondaine, où tout est factice : l’élégance, l’amour, la cuisine, le sentiment religieux, le patriotisme, l’art, la charité, le vice lui-même qui, sous prétexte de politesse et de littérature, s’affuble d’oripeaux mystiques et se couvre de masques sacrés… où l’on ne trouve qu’un désir sincère… l’âpre désir de l’argent, qui ajoute au ridicule de ces fantoches quelque chose de plus odieux et de plus farouche. C’est par là, seulement, que ces pauvres fantômes sont bien des créatures humaines et vivantes…

Là, j’ai connu monsieur Jean, un psychologue, et un moraliste lui aussi, moraliste de l’office, psychologue de l’antichambre, guère plus parvenu dans son genre et plus jobard que celui qui régnait au salon… Monsieur Jean vidait les pots de chambre… M. Paul Bourget vidait les âmes. Entre l’office et le salon, il n’y a pas toute la distance de servitude que l’on croit !… Mais, puisque j’ai mis au fond de ma malle la photographie de monsieur Jean… que son souvenir reste, pareillement enterré, au fond de mon cœur, sous une épaisse couche d’oubli…


Il est deux heures du matin… Mon feu va s’étein-