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qui te plaisent… Et tu t’en fiches pas mal… Du reste, que suis-je pour toi ?… Rien… moins que rien !… Tu entres ici… et qu’est-ce que tu vois ?… Ce sale journal… À quoi t’intéresses-tu ?… À un rébus !… Ah ! elle est jolie la vie que tu me fais… Nous ne voyons personne… nous n’allons nulle part… nous vivons comme des loups… comme des pauvres…

— Voyons… voyons… je t’en prie !… ne te mets pas en colère… Voyons !… D’abord, comme des pauvres…

Il voulut s’approcher de Madame, la prendre par la taille… l’embrasser. Celle-ci s’énervait. Elle le repoussa durement :

— Non, laisse-moi… Tu m’agaces…

— Ma chérie… voyons !… ma petite femme…

— Tu m’agaces, entends-tu ?… Laisse-moi… ne m’approche pas… Tu es un gros égoïste… un gros pataud… tu ne sais rien faire pour moi… tu es un sale type, tiens !…

— Pourquoi dis-tu cela ?… C’est de la folie. Voyons… ne t’emporte pas ainsi… Eh bien, oui… j’ai eu tort… J’aurais dû le voir tout de suite, ce corset… ce très joli corset… Comment ne l’ai-je pas vu, tout de suite ?… Je n’y comprends rien !… Regarde-moi… souris-moi… Dieu, qu’il est joli !… et comme il te va !…

Monsieur appuyait trop… il m’horripilait, moi qui étais pourtant si désintéressée dans la querelle. Madame trépigna le tapis et, de plus en